999 : 9 Hours 9 Persons 9 Doors

999 9 Hours 9 Persons 9 Doors

Pour mon premier test, j’avais très envie de vous parler de Zero Escape : Virtue’s Last Reward, que j’ai fini tout récemment, mais pour cela il m’a paru plus cohérent de proposer tout d’abord une critique de son prédécesseur, 999 : 9 Hours 9 Persons 9 Doors, récemment réédité sous le titre “Zero Escape : 9 Hours 9 Persons 9 Doors”.

Alors, qu’est-ce que ce jeu si méconnu ? Bonne question. Il s’agit d’un Visual Novel (ou “roman interactif”) du type point & click – un ADV, donc, pour être plus exact (Adventure Game, en opposition aux NVL, qui ne s’appuient généralement que sur de la narration et dont l’interactivité est très limitée). S’il n’a pas fait beaucoup parler de lui ici – la faute à nos éditeurs qui n’ont pas cru bon de l’importer sur le continent européen, comme bon nombre de jeux japonais -, les critiques sont pourtant unanimes quant à sa qualité. Heureusement, Aksys Games n’a pas eu le même raisonnement et bien que tardivement, suite à son succès nippon, le jeu a bénéficié d’une excellente traduction anglaise. Autrement dit, si vous avez un bon niveau (et quand je dis bon, je veux dire, vraiment bon) dans la langue de Shakespeare et que vous avez une DS/DSi/3DS (les jeux DS n’étant pas zonés, vous pouvez tout à fait y jouer sur une cartouche d’import US), ne passez pas à côté de ce bijou, d’autant qu’il a été récemment réédité à petit prix.

Mais encore ? Et bien, c’est assez long à expliquer et l’idéal est encore, tout simplement, d’y jouer, mais comme je suis là pour vous en parler (et, espérons-le, vous donner envie d’y jouer), je vais développer un peu en tâchant de ne pas spoiler. Il s’agit en quelque sorte d’un mélange de survival horror et de thriller psychologique. Si des titres comme Saw, Cube ou Death Note vous disent quelque chose, vous avez déjà une bonne idée de l’ambiance du jeu. Evidemment, il n’a pas l’étoffe sanglante d’un Saw (enfin, évitez quand même de lire les descriptions de cadavres après un repas, le jeu est parmi les rares classés “mature” – à ne pas remettre entre toutes les mains, donc), mais le côté huis-clos sadique est en revanche, indéniablement présent. Disons-le tout net : si vous n’avez pas peur d’affronter des heures de lecture en anglais et de résoudre des énigmes corsées sur fond d’horreur et de stress, ce jeu est pour vous.

Un petit résumé, histoire d’être plus explicite :

Junpei (que vous, joueur, incarnez) se réveille au milieu de sourds grincements métalliques. Il ne sait pas où il est, mais suppose qu’il s’agit d’un bateau grâce au hublot de la pièce où il se trouve. A son poignet, un bracelet indique un chiffre en affichage digital ; un grand 5 que l’on retrouve peint en rouge sur la porte de sortie. Impossible de retirer le bracelet et Junpei n’a aucun souvenir de la façon dont il est arrivé là. Soudain, le hublot craque et cède, l’eau se déverse… et la porte est fermée, bloquée par un code d’accès qu’il vous faudra trouver en fouillant la pièce de fond en comble et en résolvant quelques énigmes pour vous échapper à temps.

First Escape

Lorsqu’il parviendra à sortir, il rencontrera huit personnes totalement inconnues (enfin, sauf une, qui s’avère être une amie d’enfance) qui, comme il le comprendra très vite, sont dans le même cas que lui. Ils ont de vagues souvenirs… leur appartement, un homme en noir affublé d’un masque à gaz et… le trou noir, avant de se réveiller chacun dans une cale différente du bateau. A priori rien ne les relie, mais tous ont été choisis pour participer à ce survival grandeur nature. Une voix résonne alors depuis un haut parleur.
Il s’appelle Zero, et c’est le capitaine du navire. Il veut jouer à un jeu. Ça s’appelle le “Nonary Game”. Ecoutez bien les règles, car c’est votre vie que vous jouez…

Chacun des 9 candidats porte une montre numérotée de 1 à 9. La dite montre est une sorte de retardateur. Si vous ne respectez pas les règles, ou si vous échouez, un compte à rebours s’affichera et la bombe, qui se trouve en fait en chacun des joueurs, explosera. Il y a 9 portes numérotées, mais seule la porte ayant le chiffre 9 mène à la liberté. Et pour l’atteindre, il leur faudra en traverser d’autres en résolvant diverses énigmes, ce pour quoi ils disposent de 9 heures avant que le paquebot ne coule complètement.
Si le chiffre 9 est mis en avant, ce sont les nombres en général qui auront une importance capitale dans le jeu. Pour entrer dans une porte numérotée, il faudra à nos survivants former des groupes en fonction du numéro qui leur sera attribué et calculer leur racine numérique, de sorte à ce qu’elle corresponde au chiffre affiché sur la porte.

Par exemple, pour pénétrer dans la porte numéro 4, différentes combinaisons possibles:
– les joueurs 2, 5 et 6 (2+5+6 = 13 = 1+3 = 4)
– les joueurs 1, 4 et 8 (1+4+8 = 13 = 1+3 = 4)
– les joueurs 1, 5 et 7 (1+5+7+ 13 + 1+3 = 4)
– etc.
Cela peut paraître un peu obscur au premier abord, mais le jeu explique cela très bien et guide souvent le joueur dans ses calculs, lui offrant même une calculatrice pour obtenir les racines numériques de chaque chiffre.

Pour pénétrer dans une porte, il faut au moins trois personnes, mais pas plus de cinq, autrement dit, le groupe devra se diviser plus d’une fois pour continuer à avancer. Toutes les personnes qui auront utilisé leur bracelet pour donner un code permettant d’ouvrir la porte devront s’identifier à nouveau de l’autre côté dans un délai de 81 secondes lorsque celle-ci se sera refermée (9 secondes après) : s’il en manque une ou s’il y en a une de trop, le bracelet à leur poignet donnera l’ordre à la bombe d’exploser une fois les 81 secondes écoulées.

999

Vous l’aurez compris ; 999, ça rigole pas, c’est stressant, oppressant, et les personnages sont très réalistes dans leur comportement (peur, abattement, folie, paranoïa, etc.). Dès le départ, chaque joueur décide de se cacher sous un pseudonyme, généralement choisi en fonction de leur numéro, afin de ne pas révéler leur vraie identité. La suspicion règne donc de bout en bout. Le jeu est assez adulte de par son contenu parfois violent, mais aussi ses quelques sous entendus grivois, car niveau personnalités, il y a de tout ! C’est d’ailleurs l’une des forces du jeu. Les personnages sont variés et très réalistes : on perçoit vite les différents caractères de chacun, et on s’attache rapidement à certains (autant qu’on en prend d’autres facilement en grippe, même si vous vous rendrez bien vite compte qu’il faut se méfier des jugements trop hâtifs, en bien ou en mal, d’autant que leur comportement dépend beaucoup de vos choix dans le jeu : ainsi, ceux dont vous vous rapprochez serons plus aptes à s’ouvrir à vous, et plus aimables, tandis que ceux que vous éviterez seront conséquemment plus désagréables et vous n’en saurez pas grand chose). Il faut vraiment avoir fini le jeu à 100% pour pouvoir cerner les personnalités de chacun, et certains réservent de belles surprises.

D’ailleurs, Kōtarō Uchikoshi, à qui l’on doit l’écriture du jeu, a avoué s’être inspiré de l’ennéagramme de personnalité, qui présente les 9 types fondamentaux de motivations possibles chez un individu, chacun ayant une dominante différente : le réformiste, le sauveur, le battant, le créateur, le penseur, le gardien, le généraliste, le meneur et le pacificateur (wiki est votre ami si vous voulez en savoir plus). Et puisqu’on en est aux anecdotes savantes, il s’est également pas mal appuyé sur les recherches de Rupert Sheldrake concernant les champs morphogénétiques, mais je n’en dis pas plus, au risque de vous spoiler – sachez simplement que si pour le moment cela vous paraît complexe, c’est en vérité diablement intéressant, et tout sera expliqué en temps et en heure dans le jeu, qui fourmille d’informations de ce genre. Si vous êtes comme moi naturellement curieux, vous allez plus d’une fois faire des recherches sur les diverses expérimentations citées dans le jeu

Soyez avertis quand même que le jeu lorgne régulièrement du côté de la SF, même si une explication scientifique sera donnée à chaque fois, et qu’il s’appuie fréquemment sur des légendes urbaines ou des éléments fictifs antérieurs au jeu (comme la matière appelée Ice-9 et inventée par Kurt Vonnegut dans un roman de science-fiction, et qui n’existe donc pas en vrai, ou encore le Titanic et tous les mystères qui l’entourent : le talent supposément visionnaire de l’écrivain Morgan Robertson, dans un roman écrit 14 ans avant le célèbre naufrage, qui raconte comment un bateau nommé le Titan heurte un iceberg avec moult détails qui coïncident étrangement, ou encore l’histoire du cercueil de la momie égyptienne transportée dans la cale du bateau et qui lui aurait lancé une malédiction, sans parler de son jumeau, le RMS Gigantic…), mais rien ne sort jamais de nulle-part et on sent le travail fourni derrière, et si malgré tout ce n’est pas votre genre de trucs, vous pouvez plus ou moins vous émanciper de ces pistes de lecture qui ne sont que des hypothèses énoncées par les personnages. Le jeu lui-même est une gigantesque mise en abîme de sa propre intrigue, et c’est très bien foutu.

999 propose aussi des réflexions intéressantes qui, si elles n’apportent pas de réelle grilles de lecture, nous poussent à nous interroger. Ainsi le paradoxe du “Ship of Theseus” (le bateau de Thésée) ou de “Locke’s socks” (les chaussettes de Locke) dont le principe est simple : par exemple, pour revenir sur le second, imaginez que vous avez un trou dans une chaussette : vous le rafistolez avec un bout de tissu venu d’ailleurs. Puis apparaît un autre trou ailleurs, et vous réitérez l’opération, et ainsi de suite jusqu’à ce que la dite chaussette ne soit plus composée d’aucun des tissus d’origine. Est-ce toujours votre paire de chaussette originale ?
Idem avec le bateau que l’on construit avec des morceaux d’un autre bateau. Et allons plus loin: si les morceaux de ce bateau sont échangés, c’est à dire réutilisés par un autre, est-ce que l’autre bateau devient celui que vous aviez et est-ce que l’autre est toujours le bateau que vous avez construit ? C’est intéressant, non ? Et ce n’est qu’un aperçu de ce que ce titre a à vous offrir.

Seek a way out!

Le jeu propose six fins différentes, mais une seule d’entre elle sera la vraie, bonne fin, que vous ne pourrez atteindre sans certains pré-requis (par exemple, n’espérez pas l’obtenir du premier coup, c’est absolument impossible). En fonction de vos choix, votre relation avec les différents protagonistes ne sera pas la même et le résultat s’en fera ressentir. Ainsi, rien ne vous garantit une happy end, qu’importe la bonne volonté que vous y mettrez ! Mais chacune des fins révélera cependant un aspect différent de l’histoire qui viendra compléter les éléments que vous possédiez déjà. Autrement dit, vous n’aurez pas d’autre choix que de faire les six fins pour connaître tous les secrets du jeu. Pas de panique cependant, si recommencer une même partie cinq fois peut sembler, à raison, redondant, ce ne sera pas aussi terrible que vous l’imaginez, et ce pour plusieurs raisons : pour débloquer les autres fins, il vous faudra à chaque fois tester des combinaisons et donc des portes que vous n’aviez pas choisies précédemment, c’est à dire : nouveaux décors, nouveaux indices, nouvelles enquêtes et surtout, nouvelles facettes. De plus, vous aurez la possibilité de zapper les phases dialogues (extrêmement longues, il faut le reconnaître) après avoir fini le jeu une première fois et il ne vous faudra donc en moyenne qu’une petite 20 d’heures pour finir le jeu à 100%. Il est très probable de commencer par une fin qui n’en révélera que très peu sur l’histoire, c’est normal ! C’est ainsi que vous pourrez appréhender l’univers et les personnages et vous approcher de la vérité un peu plus à chaque nouvelle partie.

Autant le dire tout de suite, jouer à ce jeu sans viser la fin ultime, dussiez-vous en faire 5 mais pas celle-ci, c’est passer à côté de 80% de l’intérêt du jeu, et à tout point de vue. D’abord pour l’intrigue, car si certaines fins en disent plus que d’autres, elles restent globalement toutes très incomplètes et mystérieuses. Ensuite, parce que la vraie fin est à elle seule presque aussi longue à compléter que les quatre précédentes parties réunies (je dis quatre, car la sixième fin se débloque en même temps que la cinquième, donc normalement vous ne devriez pas avoir à recommencer le jeu plus de quatre fois). Autrement dit, l’intérêt du scénario réside vraiment dans l’obtention de cette fin qui devrait vous offrir de beaux moments de “WTF ?!” et de beaux frissons.
Par ailleurs, sur le site officiel, vous trouverez une partie “answer”, qui permet de poser des questions au concepteur du jeu, et de lire celles auxquelles il a déjà répondu, et qui révèlent pas mal de choses intéressantes pour ceux qui ont complété le jeu (et ceux-là uniquement, car gare aux spoilers !).

Quelques précisions ; malgré le caractère urgent de l’histoire, vous n’aurez jamais de temps, ni de compte à rebours. Donc pas de stress, prenez votre temps pour réfléchir, d’autant que vous pouvez sauvegarder à tout moment. Les énigmes sont bien dosées, suffisamment faciles pour ne pas vous bloquer et pas assez évidentes pour que vous ne soyez pas obligés d’y réfléchir plusieurs (longues) minutes. Si les chiffres sont très présents, un niveau Bac+4 en maths n’est pas nécessaire, et les énigmes peuvent être assez variées, il y aura ainsi des épreuves qui porteront sur la musique, la chimie ou encore tout simplement l’observation, mais à chaque fois, votre logique et les indices dispensés dans le jeu seront suffisants pour en venir à bout – cela dit, je ne promets pas que le processus se fera sans quelques poignées de cheveux en moins sur votre crâne.

999

Côté technique, les graphismes sont très bons : c’est une employée de Capcom qui s’est occupée du chara-design et le résultat est très plaisant, chaque personnage ayant un look atypique qui leur correspond bien, et l’animation des sprites est de bonne facture également. Les décors, quant à eux, sont très réalistes, mais même pour un visual novel on pourra parfois regretter le côté trop figé de la chose car les cinématiques se comptent sur les doigts d’une main malgré le côté mouvementé et dynamique de l’histoire. Musicalement, ce n’est pas vraiment le genre de musique qu’on écoute pour le plaisir puisque les sonorités sont souvent assez crispantes (c’est le but, après tout), mais elle remplit sa fonction et colle très bien à l’ambiance et à ce qu’on pourrait attendre de ce genre de jeu, entre moments de tension, phases d’investigations et scènes d’émotion. Mais c’est surtout niveau son que je lève mon chapeau, car ils sont très réalistes : les grincements du bateau, les pas, les portes qui claquent, les coups, l’horloge… tout est très réussi et rend le jeu plus immersif encore.

Maintenant, vous vous en doutez sûrement déjà, mais LA force du jeu, c’est son scénario et je n’ai pas de mots pour le vanter et dire à quel point c’est bien ficelé. Si votre première partie vous laissera sûrement sur votre faim (haha), plus vous avancerez dans le jeu et plus les rebondissements s’enchaîneront et vous vous surprendrez à y repenser lorsque vous parviendrez enfin à lâcher le jeu. C’est somme toute très, très prenant et même si vous aviez l’habitude de deviner qui était le criminel avant Miss Marple dans les romans d’Agatha Christie, ici vous irez de surprise en surprise. Je ne peux rien dire au risque de trop en révéler, mais c’est véritablement une expérience à part, qui vous offrira des dialogues proprement cultes (ceux qui ont fini le jeu sauront de quoi je parle en évoquant une certaine conversation avec June dans l’ascenseur !) et vous laissera toujours plus avide d’en savoir plus jusqu’à ce que le dernier rideau tombe.

Voilà, je termine ici cette longue review – j’espère avoir donné envie à certains d’entre vous de découvrir ce jeu atypique – s’il vous tente, mais que vous n’êtes pas sûrs qu’il soit fait pour vous, voici une démo en ligne qui propose le début du jeu (enfin, une version légèrement différente) et devrait déjà vous donner une  bonne idée de l’ambiance, des énigmes et du niveau d’anglais requis.

Pour résumer : un jeu incontournable, original et intelligent, qui plaira à tous les fans de bons thrillers, à condition de bien comprendre l’anglais !

999 characters

De gauche à droite : Lotus, Santa, Seven, June, Junpei, Ace, Snake, Clover et the 9th Man.

PS : il se pourrait que mon pseudo & le titre de ce blog soient une référence à ce jeu – ce n’est donc qu’un juste retour des choses que d’en faire mon premier article !

4 thoughts on “999 : 9 Hours 9 Persons 9 Doors

  1. Milly says:

    I loved the game extremely much and it remains one of the most amazing stories I ever experienced. I finished it several times, got all the endings, then read up on all wikias and answers and then went back to it to just observe some stuff I never noticed on my own. I can’t wait to play the sequel but sadly I do not own a 3DS so I’ll be waiting for you to write something about that one.

    999 is an unforgettable experience and even though the gameplay is limited you just get sucked into the intrigue so much it doesn’t matter. Also including themes such as Titanic and real life situations gives the sort of Da Vinci code sense of reality. You know it is a made up story but the way they present it is so compelling you want to believe it. It is a must for all DS owners!

    • funyarinpa says:

      I completely agree with everything you said, especially the part about the “Da Vinci code sense of reality” – couldn’t have said it better myself. It’s sad you can’t play the sequel though, because it’s every bit as amazing as 999, and even better, so I really hope you’ll get the opportunity to play it one day.
      In any case, my review will be posted soon, I promise! (Does that mean you understand french, or do you use a translator or something ? I’m just curious!)

      • Milly says:

        I fully understand french, used to work as a translator but since I haven’t used it for several years now I feel more comfortable expressing things in english 🙂

      • funyarinpa says:

        I see! I really admire people who work as translators – as much as I love languages, it’s really a challenge to express the same thing with different words! Anyway, thank you for the comment (:

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