Zero Escape : Virtue’s Last Reward

Virtue's Last Reward

Comme promis, j’ai cette fois-ci l’honneur de vous parler d’un des meilleurs jeux que je connaisse, et il s’agit de nul autre que le très inattendu Zero Escape : Virtue’s Last Reward. Inattendu car comme je l’ai dit en faisant sa review, le premier avait eu un succès relativement confidentiel, mais les quelques fans dans le monde ont quand même réussi à faire suffisamment entendre leur voix pour qu’une suite soit demandée ! Hélas, comme pour son prédécesseur, il faudra parler anglais pour pouvoir y jouer puisque c’est la seule version disponible en Europe (on peut déjà être contents que la cartouche de jeu soit arrivée jusqu’à nous, avec le zonage de la 3DS et sachant que 999 n’était disponible qu’en import US, ce n’était pas gagné !). Et encore une fois, quand je dis parler anglais, je veux parler d’un bon niveau, pour ne pas dire quasi “fluent”, parce que ce jeu repose entièrement sur ses textes et ses énigmes, et que si vous ne comprenez pas les instructions, vous n’irez pas très loin… je rappelle également que le jeu est déconseillé aux moins de 18 ans, c’est pour une raison, donc à ne pas remettre entre toutes les mains.

Zero Escape : Virtue’s Last Reward, que pour des raisons de pratique nous abrégerons en VLR, est donc la suite directe de 9 Hours 9 Persons 9 Doors (999) et bien que ce jeu se pose comme un “stand-alone”, indépendant, je ne saurais que trop recommander les joueurs intéressés et qui ne l’ont pas déjà fait de commencer par 999, non seulement parce que c’est lui aussi un excellent jeu, mais aussi parce que les liens entre les deux titres sont très étroits (ce n’est pas pour rien que 999 a été renommé Zero Escape : 9 Hours 9 Persons 9 Doors, il y a bien l’idée d’une unicité entre ces jeux qui est voulue) et que ce ne sont pas les quelques explications de VLR qui rendront justice aux liens tissés entre les deux (et ce sera encore plus vrai lorsque Zero Escape, troisième et dernier du nom, déjà prévu, sortira, mais je n’en dis pas plus).

VLR

Alors cette fois, de quoi s’agit-il ? Le principe a des airs de déjà vu : vous incarnez cette fois Sigma, kidnappé le soir de Noël dans un futur proche (2028), et vous faites une fois de plus partie des 9 participants sélectionnés pour jouer au “Nonary Game”, avec une subtilité, cette fois il s’agit de l'”Ambidex Edition” ! Pourquoi “ambidex” ? Et bien, parce que le jeu repose sur un système de vote, auquel vous accéderez après avoir réussi à vous échapper de chaque nouvelle pièce que vous devez explorer (là-dessus, rien de nouveau par rapport à 999, on alterne les phases “puzzle” où il faut explorer et trouver la sortie d’une pièce en résolvant des énigmes, et les phases “novel” qui relèvent de la narration). Le concept est simple : on a donc 9 personnes, qui seront divisées en 3 groupes de 3 personnes, et dans chacun de ces groupes, on aura 2 joueurs contre 1. Les groupes sont effectués en fonction du bracelet que chaque participant porte au poignet et qui détermine votre nombre de points (vous commencez avec 3 points, le but étant d’atteindre au minimum 9 pour vous en sortir, en sachant que si vous tombez à zéro ou moins, vous mourrez), ainsi que votre couleur, puisque cette fois pour ouvrir des portes il ne faudra pas combiner des chiffres, mais des couleurs (pour entrer dans une porte verte par exemple, il faudra que les bracelets jaunes et bleus s’associent), sans oublier l’indication “solo” ou “pair” – qui ne me semble pas nécessiter d’explications.

Les fameux points sur lesquels vous jouez votre vie, vous les gagnez ou les perdez lors du “AB game”, dont voici le principe :

Vous jouez seul, ou avec votre partenaire (selon que vous soyez solo ou pair, en sachant que les pairs n’ont droit qu’à un vote pour deux – mais pas d’inquiétude, votre compagnon s’en remettra toujours à vous et vous laissera le choix final) contre une ou deux personnes (idem), et vous devez, dans des chambres séparées, voter sur un écran d’ordinateur qui vous proposera deux choix : Ally (s’allier) ou Betray (trahir). Voici la distribution des points :

– Si vous votez “ally” et l’équipe adverse également, vous gagnez tous 2 points.

– Si vous votez “betray” et l’équipe adverse également, vous ne gagnez, ni ne perdez rien.

– Si vous votez “betray” tandis que l’équipe adverse a voté “ally”, vous gagnez 3 points, elle en perd 2.

– Si c’est l’inverse, c’est donc vous perdez deux points, et elle qui en gagne trois.

VLR

Petit tableau explicatif

Je pense qu’à ce stade cela peut paraître confus, mais vos choix ainsi que les résultats seront toujours parfaitement expliqués dans le jeu, pas d’inquiétude. Bien sûr, vous devez déjà commencer à apercevoir les rouages du jeu, notamment si vous avez entendu parler du fameux “dilemme du prisonnier”, que Phi vous expliquera assez tôt dans l’aventure. Je vais citer notre ami wiki pour mieux illustrer la chose :

Tucker suppose deux prisonniers (complices d’un crime) retenus dans des cellules séparées et qui ne peuvent communiquer; l’autorité pénitentiaire offre à chacun des prisonniers les choix suivants: si un des deux prisonniers dénonce l’autre, il est remis en liberté alors que le second obtient la peine maximale (20 ans) ; si les deux se dénoncent entre eux, ils seront condamnés à une peine plus légère (10 ans) ; si les deux refusent de dénoncer, la peine sera minimale (1 ans), faute d’éléments au dossier. Ce problème modélise bien les questions de politique tarifaire : le concurrent qui baisse ses prix gagne des parts de marché et peut ainsi augmenter ses ventes et accroître éventuellement son bénéfice… mais si son concurrent principal en fait autant, les deux peuvent y perdre. Ce jeu ne conduit pas spontanément à un état où on ne pourrait améliorer le bien-être d’un joueur sans détériorer celui d’un autre (c’est-à-dire un optimum de Pareto; voir aussi équilibre de Nash). À l’équilibre, chacun des prisonniers choisira probablement de faire défaut alors qu’ils gagneraient à coopérer : chacun est fortement incité à tricher, ce qui constitue le cœur du dilemme. Si le jeu était répété, chaque joueur pourrait user de représailles envers l’autre joueur pour son absence de coopération, ou même simplement minimiser sa perte maximale en trahissant les fois suivantes. L’incitation à tricher devient alors inférieure à la menace de punition, ce qui introduit la possibilité de coopérer : la fin ne justifie plus les moyens. Le dilemme du prisonnier est utilisé en économie, étudié en mathématiques, utile parfois aux psychologues, biologistes des écosystèmes et spécialistes de science politique. Le paradigme correspondant est également mentionné en philosophie et dans le domaine des sciences cognitives.

Dans ce dilemme, ce qu’on constate, c’est qu’on a tout intérêt à dénoncer le second prisonnier : soit il a décidé de tenir sa langue, et vous êtes donc remis en liberté directement, soit il vous a dénoncé aussi, et vous vous en tirez chacun avec 10 ans de prison, ce qui est toujours mieux que les 20 que vous risquez en ne le dénonçant pas. Dénoncer est le choix logique, mais bien sûr, vous devez à commencer à voir où est le problème : ce qui est logique pour vous l’est pour votre compagnon aussi. Autrement dit, il y a de fortes chances pour qu’il décide de faire la même chose, ce qui signifie 10 ans pour chacun alors que si vous aviez décidé de ne rien dire, vous vous en seriez tous deux sortis avec 1 ans de peine uniquement. En somme, votre intérêt personnel nuit à l’intérêt du groupe qui vous aurait paradoxalement permis de vous en sortir mieux, vous me suivez ? Et bien c’est pareil dans ce jeu, exactement pareil.

Si chacun votait “ally”, tout le monde y gagnerait deux points et les chances pour que tous s’en sortent seraient maximisées. Mais si vous votez “betray” alors que l’autre a voté “ally”, vous gagnez 3 points, ce qui signifie que vous pouvez être libre au bout de deux rounds (je rappelle qu’entre chaque round vous êtes obligés d’explorer une chambre et d’en sortir au plus vite en résolvant ses énigmes, car si personne ne vote à temps, tout le monde meurt, autrement dit, vous avez tout intérêt à vous dépêcher, même si encore une fois le jeu ne nous impose jamais de compte à rebours). Le dilemme vient donc du fait que dans la trahison on s’en sort mieux que dans la coopération. Bien sûr, il faut ajouter à cela que les candidats ne se connaissent pas et ne peuvent donc savoir s’ils peuvent se faire confiance. Mais imaginez maintenant que vous parvenez à obtenir la promesse de votre adversaire qu’il votera “ally” : la tentation de voter “betray” est grande puisque vous avez la certitude qu’il n’en fera pas autant, c’est donc 3 points dans la poche facilement… Et voilà. Je viens de vous présenter tout le dilemme du jeu, et la signification du titre : à quel point tenez-vous à votre vertu lorsqu’il s’agit d’obtenir votre dernière récompense ? “Dernière”, de façon très littérale d’ailleurs, car un mauvais choix pourra souvent vous conduire à la mort.

VLR

A prendre en compte toutefois que la porte “9”, qui est celle de la liberté, ne s’ouvrira qu’une seule fois. Autrement dit, si l’un des 9 joueurs obtient 9 points, il pourra s’en aller, mais pas les autres, qui resteront à jamais coincés dans le jeu. En quoi cela complique les choses ? Et bien, c’est simple : il ne s’agit plus seulement de gagner, mais de s’assurer que les autres ne gagneront pas, au risque qu’ils franchissent la porte sans attendre que tout le monde ait le même nombre de points et ne condamnent donc tous les joueurs restants.

Pour ce jeu, il y a au total 21 fins (dont une bonus que vous obtenez si vous avez récupéré tous les fichiers & débloqué toutes les énigmes en mode hard), ce qui représente un sacré changement avec 999 qui proposait 6 fins en tout et pour tout – différence qui s’en ressent sur le temps de jeu : alors qu’il suffisait d’une quinzaine d’heures pour finir le premier, on tourne ici autour de la quarantaine. 11 sont en fait des Game Over, et 9 des vraies fins (une pour chaque personnage), en sachant qu’une seule est la “true” end, au sens où c’est la seule qui finit “bien” (enfin, au joueur d’en décider, je ne me prononcerai pas), les autres, qu’il s’agisse des Game Over ou des fins des différents personnages, se finissent en général mal, la différence entre les deux étant que les Game Over sont abruptes et ne révèlent rien, tandis que les autres sont très importantes pour l’histoire, et si vous ne les débloquez pas vous ne pouvez de toute façon pas obtenir la fin ultime.

Sinon, pour faire un rapide tour d’horizon des différents aspects du jeu, au niveau de la musique et l’ambiance sonore, on reprend avec plaisir pas mal des thèmes & sons de 999 qui avaient fait leurs preuves, et les phases de narrations sont toujours aussi bien rythmées, qu’il s’agisse de nous faire stresser ou de nous émouvoir (le très beau Blue Bird Lamentation). Côté visuel, le chara-design est quant à lui toujours aussi accrocheur (même si on a franchement du mal à prendre Clover et Alice au sérieux avec leur accoutrement qui ne semble choquer personne), bien que cette fois modélisé en 3D, ce qui n’est cependant pas forcément un plus par rapport à 999.  L’effet 3D pour ceux qui y jouent sur la console de Nintendo est sympathique, mais n’apporte pas énormément non plus et on se surprend à la désactiver plus souvent que le contraire. En revanche, VLR s’appuie un peu plus sur les capacités de la 3DS que son prédécesseur et proposera par exemple quelques minis-jeux où vous pourrez incliner la console pour déplacer des cubes (la croix sera toujours disponible pour ceux qui préfèrent jouer de manière plus traditionnelle). L’écran inférieur est lui aussi plus exploité, notamment dans les phases d’enquêtes où l’on pourra, parmi d’autres choses, utiliser un bloc-notes ! Petit bémol sur l’utilisation de celui-ci qui est assez limitée, puisqu’il ne propose que 2 pages (ce qui sera bien vite trop peu, et de manière générale, je ne saurais que trop recommander d’avoir tout de même un stylo et du papier à disposition tout le long du jeu).

VLR

Puisque j’en suis aux petits défauts du jeu, les dossiers que l’on vous donne comme lecture complémentaire du jeu, ainsi que les archives comprenant des indices dans certaines pièces (se distinguant dorénavant des items dont il faudra se servir, en les combinant ou en agissant sur des éléments de la pièce où vous vous trouvez) vous permettent de les consulter sur l’écran du haut tout en résolvant l’énigme sur l’écran du bas. Ce qui paraît à priori bien pensé s’avère plus ennuyeux lorsqu’il s’agit de passer de nos notes personnelles à celle des archives, ce qui arrivera fréquemment, la manoeuvre vous forçant à chaque fois retourner dans le menu pour aller de l’un à l’autre alors qu’un petit raccourci ou une possibilité d’afficher en côte à côte aurait suffi à régler ce petit désagrément. Maintenant, comme je l’ai dit, rien de tel qu’un vrai stylo dans ces cas là !

Puisqu’on en est aux différences entre 999 et VLR, quelques autres modifications notables :

– Le doublage ! Par chance, c’est la version japonaise qui est choisie d’office sur la cartouche européenne, et le doublage est très bon. La plupart sont en fait des doubleurs assez connus – si vous êtes amateurs d’anime vous les avez sûrement tous déjà entendus – et absolument tous les passages “novel” sont doublés sans exception. Ce qui signifie qu’à l’inverse, les phases “puzzle” ne le sont pas ; c’est un peu dommage mais ça se comprend.

– Je l’ai déjà évoqué, mais il y a à présent deux niveaux de difficultés : le mode “hard”, qui est en fait le niveau standard proposé par défaut, et le mode “easy”, qui vous permettra de vous en sortir si jamais vous êtes bloqués puisque les autres personnages vous donneront de gros indices pour vous aider à comprendre. Vous pouvez à tout moment passer en mode easy, mais attention toutefois, le retour en arrière n’est pas possible, donc réfléchissez-y bien avant de changer de niveau, car cela signifie que si vous parvenez à obtenir le second mot de passe du coffre (le premier mot de passe vous donnera la clé pour sortir de la pièce, le second est facultatif et vous donnera des fichiers comprenant des “secrets” du jeu), vous obtiendrez un “silver file” (contre un “gold file” lorsque vous obtenez le mot de passe en mode hard). Ces fichiers sont en fait les secrets du jeu dont je vous parlais un peu plus haut, ils vous donnent des grilles de lectures et des informations complémentaires sur le jeu, parfois franchement anecdotiques, ou au contraire particulièrement révélatrices. La différence entre les “gold” et “silver files” étant que les seconds sont plus incomplets ; il n’y a donc qu’en mode hard que vous pourrez tous les obtenir. Par chance, les mots de passe des coffres sont sauvegardés dans vos dossiers et ne changent pas, ce qui veut dire qu’une fois que vous aurez résolu les énigmes d’une pièce, vous n’aurez plus jamais à les refaire, même si vous voulez changer le niveau de difficulté (pas trop d’intérêt à revenir en mode easy si vous l’avez fini en mode hard, donc – sauf si vous êtes curieux de découvrir les dialogues qui ne sont donc plus les mêmes et sont parfois très drôles, surtout quand vos compagnons s’énervent devant votre lenteur d’esprit !) : il vous suffira simplement de mettre le mode que vous souhaitez avoir et d’entrer directement le mot de passe du coffre.

VLR

L’arbre narratif du jeu

– Enfin, l’un des gros défauts de 999 était l’obligation de recommencer le jeu à chaque fois, et même parfois à refaire certaines énigmes, ce qui, malgré l’avance rapide que l’on pouvait exercer sur les textes et dialogues déjà lus pouvait s’avérer un peu usant à la longue, a ici été complètement corrigé grâce à l’apparition d’un arbre narratif doté de divers embranchements représentant les points clés du jeu, c’est à dire ceux où l’on doit faire un choix (il s’agira le plus souvent de notre vote lors d’un round du “ambidex game”, ou de votre choix de groupe face aux portes chromatiques que j’évoquais plus haut), qui donne non seulement une très bonne lisibilité au jeu (contrairement à 999 où il fallait un peu tâtonner pour savoir dans quel ordre faire les choses), mais vous permet donc de revenir exactement au moment d’un choix effectué pour prendre l’option que vous n’aviez pas prise la première fois. Autrement dit, inutile de recommencer le jeu à zéro & de refaire les énigmes vingt fois, il vous suffit de vous servir de cette carte aux diverses ramifications et d’aller directement à la scène qui vous intéresse. En plus de quoi, vous pouvez toujours “skiper” les textes que vous avez déjà lus.

Ce sont là les majeures différences entre les deux jeux (outre les plus évidentes, comme le scénario et les nouveaux personnages). Pour le reste, les puzzles toujours aussi démentiels, d’une difficulté toutefois assez changeante (on passe de quasi-insupportable à franchement faisable pour peu que l’on sache se servir de son cerveau). Ils sont en tout cas inventifs et les résoudre, surtout en mode hard, vous fera vous sentir comme un dieu pendant quelques minutes.

Le scénario, les dialogues, bref, l’écriture du jeu qui est bien sûr encore une fois son atout majeur, est toujours aussi énormissime, pardonnez-moi du néologisme. La psychologie des personnages, toujours aussi approfondie (pour ne pas dire plus, l'”ambidex game” ajoutant une nouvelle dimension à votre coopération forcée, où méfiance et doute règnent plus que jamais), les dialogues qui peuvent aller de très drôles à très tendus, et toute l’histoire sont autant d’arguments en faveur de ce titre, qui révèlent une fois de plus son audace et son originalité dans un registre encore jamais exploité auparavant dans le monde vidéo-ludique. C’est bien simple, si avec 999 vous pensiez avoir pris une claque, vous n’allez rien comprendre à ce qui vous arrive ici. Jamais nos actions en tant que joueur n’ont autant été mises en abîme dans le jeu, avec un réel impact sur l’histoire, et une explication béton. La narration est tellement addictive que vous allez probablement passer des heures collés à votre 3DS (ou Vita, si vous y jouez sur la console portable de Sony), incapable de décrocher, souhaitant connaître le fin mot de l’histoire et vivant les moments les plus WTF et les plus magistraux possibles au fur et à mesure que vous approcherez de ces mots énigmatiques : “End or Beginning”. Avant cela, vous aurez sûrement connu des moments intenses en émotion qui vous rappelleront combien ce jeu est unique et intelligent.

En somme, si vous n’avez pas eu la force de lire mon long pavé ou que vous avez vraiment besoin que je le répète : jetez-vous dessus, c’est une tuerie.

VLR

De gauche à droite: Zero III, Luna, K, Quark, Tenmyouji, Phi, Sigma, Clover, Luna et Dio

Ma prochaine critique sera probablement Red Dead Redemption dès que je l’aurai fini !

999 : 9 Hours 9 Persons 9 Doors

999 9 Hours 9 Persons 9 Doors

Pour mon premier test, j’avais très envie de vous parler de Zero Escape : Virtue’s Last Reward, que j’ai fini tout récemment, mais pour cela il m’a paru plus cohérent de proposer tout d’abord une critique de son prédécesseur, 999 : 9 Hours 9 Persons 9 Doors, récemment réédité sous le titre “Zero Escape : 9 Hours 9 Persons 9 Doors”.

Alors, qu’est-ce que ce jeu si méconnu ? Bonne question. Il s’agit d’un Visual Novel (ou “roman interactif”) du type point & click – un ADV, donc, pour être plus exact (Adventure Game, en opposition aux NVL, qui ne s’appuient généralement que sur de la narration et dont l’interactivité est très limitée). S’il n’a pas fait beaucoup parler de lui ici – la faute à nos éditeurs qui n’ont pas cru bon de l’importer sur le continent européen, comme bon nombre de jeux japonais -, les critiques sont pourtant unanimes quant à sa qualité. Heureusement, Aksys Games n’a pas eu le même raisonnement et bien que tardivement, suite à son succès nippon, le jeu a bénéficié d’une excellente traduction anglaise. Autrement dit, si vous avez un bon niveau (et quand je dis bon, je veux dire, vraiment bon) dans la langue de Shakespeare et que vous avez une DS/DSi/3DS (les jeux DS n’étant pas zonés, vous pouvez tout à fait y jouer sur une cartouche d’import US), ne passez pas à côté de ce bijou, d’autant qu’il a été récemment réédité à petit prix.

Mais encore ? Et bien, c’est assez long à expliquer et l’idéal est encore, tout simplement, d’y jouer, mais comme je suis là pour vous en parler (et, espérons-le, vous donner envie d’y jouer), je vais développer un peu en tâchant de ne pas spoiler. Il s’agit en quelque sorte d’un mélange de survival horror et de thriller psychologique. Si des titres comme Saw, Cube ou Death Note vous disent quelque chose, vous avez déjà une bonne idée de l’ambiance du jeu. Evidemment, il n’a pas l’étoffe sanglante d’un Saw (enfin, évitez quand même de lire les descriptions de cadavres après un repas, le jeu est parmi les rares classés “mature” – à ne pas remettre entre toutes les mains, donc), mais le côté huis-clos sadique est en revanche, indéniablement présent. Disons-le tout net : si vous n’avez pas peur d’affronter des heures de lecture en anglais et de résoudre des énigmes corsées sur fond d’horreur et de stress, ce jeu est pour vous.

Un petit résumé, histoire d’être plus explicite :

Junpei (que vous, joueur, incarnez) se réveille au milieu de sourds grincements métalliques. Il ne sait pas où il est, mais suppose qu’il s’agit d’un bateau grâce au hublot de la pièce où il se trouve. A son poignet, un bracelet indique un chiffre en affichage digital ; un grand 5 que l’on retrouve peint en rouge sur la porte de sortie. Impossible de retirer le bracelet et Junpei n’a aucun souvenir de la façon dont il est arrivé là. Soudain, le hublot craque et cède, l’eau se déverse… et la porte est fermée, bloquée par un code d’accès qu’il vous faudra trouver en fouillant la pièce de fond en comble et en résolvant quelques énigmes pour vous échapper à temps.

First Escape

Lorsqu’il parviendra à sortir, il rencontrera huit personnes totalement inconnues (enfin, sauf une, qui s’avère être une amie d’enfance) qui, comme il le comprendra très vite, sont dans le même cas que lui. Ils ont de vagues souvenirs… leur appartement, un homme en noir affublé d’un masque à gaz et… le trou noir, avant de se réveiller chacun dans une cale différente du bateau. A priori rien ne les relie, mais tous ont été choisis pour participer à ce survival grandeur nature. Une voix résonne alors depuis un haut parleur.
Il s’appelle Zero, et c’est le capitaine du navire. Il veut jouer à un jeu. Ça s’appelle le “Nonary Game”. Ecoutez bien les règles, car c’est votre vie que vous jouez…

Chacun des 9 candidats porte une montre numérotée de 1 à 9. La dite montre est une sorte de retardateur. Si vous ne respectez pas les règles, ou si vous échouez, un compte à rebours s’affichera et la bombe, qui se trouve en fait en chacun des joueurs, explosera. Il y a 9 portes numérotées, mais seule la porte ayant le chiffre 9 mène à la liberté. Et pour l’atteindre, il leur faudra en traverser d’autres en résolvant diverses énigmes, ce pour quoi ils disposent de 9 heures avant que le paquebot ne coule complètement.
Si le chiffre 9 est mis en avant, ce sont les nombres en général qui auront une importance capitale dans le jeu. Pour entrer dans une porte numérotée, il faudra à nos survivants former des groupes en fonction du numéro qui leur sera attribué et calculer leur racine numérique, de sorte à ce qu’elle corresponde au chiffre affiché sur la porte.

Par exemple, pour pénétrer dans la porte numéro 4, différentes combinaisons possibles:
– les joueurs 2, 5 et 6 (2+5+6 = 13 = 1+3 = 4)
– les joueurs 1, 4 et 8 (1+4+8 = 13 = 1+3 = 4)
– les joueurs 1, 5 et 7 (1+5+7+ 13 + 1+3 = 4)
– etc.
Cela peut paraître un peu obscur au premier abord, mais le jeu explique cela très bien et guide souvent le joueur dans ses calculs, lui offrant même une calculatrice pour obtenir les racines numériques de chaque chiffre.

Pour pénétrer dans une porte, il faut au moins trois personnes, mais pas plus de cinq, autrement dit, le groupe devra se diviser plus d’une fois pour continuer à avancer. Toutes les personnes qui auront utilisé leur bracelet pour donner un code permettant d’ouvrir la porte devront s’identifier à nouveau de l’autre côté dans un délai de 81 secondes lorsque celle-ci se sera refermée (9 secondes après) : s’il en manque une ou s’il y en a une de trop, le bracelet à leur poignet donnera l’ordre à la bombe d’exploser une fois les 81 secondes écoulées.

999

Vous l’aurez compris ; 999, ça rigole pas, c’est stressant, oppressant, et les personnages sont très réalistes dans leur comportement (peur, abattement, folie, paranoïa, etc.). Dès le départ, chaque joueur décide de se cacher sous un pseudonyme, généralement choisi en fonction de leur numéro, afin de ne pas révéler leur vraie identité. La suspicion règne donc de bout en bout. Le jeu est assez adulte de par son contenu parfois violent, mais aussi ses quelques sous entendus grivois, car niveau personnalités, il y a de tout ! C’est d’ailleurs l’une des forces du jeu. Les personnages sont variés et très réalistes : on perçoit vite les différents caractères de chacun, et on s’attache rapidement à certains (autant qu’on en prend d’autres facilement en grippe, même si vous vous rendrez bien vite compte qu’il faut se méfier des jugements trop hâtifs, en bien ou en mal, d’autant que leur comportement dépend beaucoup de vos choix dans le jeu : ainsi, ceux dont vous vous rapprochez serons plus aptes à s’ouvrir à vous, et plus aimables, tandis que ceux que vous éviterez seront conséquemment plus désagréables et vous n’en saurez pas grand chose). Il faut vraiment avoir fini le jeu à 100% pour pouvoir cerner les personnalités de chacun, et certains réservent de belles surprises.

D’ailleurs, Kōtarō Uchikoshi, à qui l’on doit l’écriture du jeu, a avoué s’être inspiré de l’ennéagramme de personnalité, qui présente les 9 types fondamentaux de motivations possibles chez un individu, chacun ayant une dominante différente : le réformiste, le sauveur, le battant, le créateur, le penseur, le gardien, le généraliste, le meneur et le pacificateur (wiki est votre ami si vous voulez en savoir plus). Et puisqu’on en est aux anecdotes savantes, il s’est également pas mal appuyé sur les recherches de Rupert Sheldrake concernant les champs morphogénétiques, mais je n’en dis pas plus, au risque de vous spoiler – sachez simplement que si pour le moment cela vous paraît complexe, c’est en vérité diablement intéressant, et tout sera expliqué en temps et en heure dans le jeu, qui fourmille d’informations de ce genre. Si vous êtes comme moi naturellement curieux, vous allez plus d’une fois faire des recherches sur les diverses expérimentations citées dans le jeu

Soyez avertis quand même que le jeu lorgne régulièrement du côté de la SF, même si une explication scientifique sera donnée à chaque fois, et qu’il s’appuie fréquemment sur des légendes urbaines ou des éléments fictifs antérieurs au jeu (comme la matière appelée Ice-9 et inventée par Kurt Vonnegut dans un roman de science-fiction, et qui n’existe donc pas en vrai, ou encore le Titanic et tous les mystères qui l’entourent : le talent supposément visionnaire de l’écrivain Morgan Robertson, dans un roman écrit 14 ans avant le célèbre naufrage, qui raconte comment un bateau nommé le Titan heurte un iceberg avec moult détails qui coïncident étrangement, ou encore l’histoire du cercueil de la momie égyptienne transportée dans la cale du bateau et qui lui aurait lancé une malédiction, sans parler de son jumeau, le RMS Gigantic…), mais rien ne sort jamais de nulle-part et on sent le travail fourni derrière, et si malgré tout ce n’est pas votre genre de trucs, vous pouvez plus ou moins vous émanciper de ces pistes de lecture qui ne sont que des hypothèses énoncées par les personnages. Le jeu lui-même est une gigantesque mise en abîme de sa propre intrigue, et c’est très bien foutu.

999 propose aussi des réflexions intéressantes qui, si elles n’apportent pas de réelle grilles de lecture, nous poussent à nous interroger. Ainsi le paradoxe du “Ship of Theseus” (le bateau de Thésée) ou de “Locke’s socks” (les chaussettes de Locke) dont le principe est simple : par exemple, pour revenir sur le second, imaginez que vous avez un trou dans une chaussette : vous le rafistolez avec un bout de tissu venu d’ailleurs. Puis apparaît un autre trou ailleurs, et vous réitérez l’opération, et ainsi de suite jusqu’à ce que la dite chaussette ne soit plus composée d’aucun des tissus d’origine. Est-ce toujours votre paire de chaussette originale ?
Idem avec le bateau que l’on construit avec des morceaux d’un autre bateau. Et allons plus loin: si les morceaux de ce bateau sont échangés, c’est à dire réutilisés par un autre, est-ce que l’autre bateau devient celui que vous aviez et est-ce que l’autre est toujours le bateau que vous avez construit ? C’est intéressant, non ? Et ce n’est qu’un aperçu de ce que ce titre a à vous offrir.

Seek a way out!

Le jeu propose six fins différentes, mais une seule d’entre elle sera la vraie, bonne fin, que vous ne pourrez atteindre sans certains pré-requis (par exemple, n’espérez pas l’obtenir du premier coup, c’est absolument impossible). En fonction de vos choix, votre relation avec les différents protagonistes ne sera pas la même et le résultat s’en fera ressentir. Ainsi, rien ne vous garantit une happy end, qu’importe la bonne volonté que vous y mettrez ! Mais chacune des fins révélera cependant un aspect différent de l’histoire qui viendra compléter les éléments que vous possédiez déjà. Autrement dit, vous n’aurez pas d’autre choix que de faire les six fins pour connaître tous les secrets du jeu. Pas de panique cependant, si recommencer une même partie cinq fois peut sembler, à raison, redondant, ce ne sera pas aussi terrible que vous l’imaginez, et ce pour plusieurs raisons : pour débloquer les autres fins, il vous faudra à chaque fois tester des combinaisons et donc des portes que vous n’aviez pas choisies précédemment, c’est à dire : nouveaux décors, nouveaux indices, nouvelles enquêtes et surtout, nouvelles facettes. De plus, vous aurez la possibilité de zapper les phases dialogues (extrêmement longues, il faut le reconnaître) après avoir fini le jeu une première fois et il ne vous faudra donc en moyenne qu’une petite 20 d’heures pour finir le jeu à 100%. Il est très probable de commencer par une fin qui n’en révélera que très peu sur l’histoire, c’est normal ! C’est ainsi que vous pourrez appréhender l’univers et les personnages et vous approcher de la vérité un peu plus à chaque nouvelle partie.

Autant le dire tout de suite, jouer à ce jeu sans viser la fin ultime, dussiez-vous en faire 5 mais pas celle-ci, c’est passer à côté de 80% de l’intérêt du jeu, et à tout point de vue. D’abord pour l’intrigue, car si certaines fins en disent plus que d’autres, elles restent globalement toutes très incomplètes et mystérieuses. Ensuite, parce que la vraie fin est à elle seule presque aussi longue à compléter que les quatre précédentes parties réunies (je dis quatre, car la sixième fin se débloque en même temps que la cinquième, donc normalement vous ne devriez pas avoir à recommencer le jeu plus de quatre fois). Autrement dit, l’intérêt du scénario réside vraiment dans l’obtention de cette fin qui devrait vous offrir de beaux moments de “WTF ?!” et de beaux frissons.
Par ailleurs, sur le site officiel, vous trouverez une partie “answer”, qui permet de poser des questions au concepteur du jeu, et de lire celles auxquelles il a déjà répondu, et qui révèlent pas mal de choses intéressantes pour ceux qui ont complété le jeu (et ceux-là uniquement, car gare aux spoilers !).

Quelques précisions ; malgré le caractère urgent de l’histoire, vous n’aurez jamais de temps, ni de compte à rebours. Donc pas de stress, prenez votre temps pour réfléchir, d’autant que vous pouvez sauvegarder à tout moment. Les énigmes sont bien dosées, suffisamment faciles pour ne pas vous bloquer et pas assez évidentes pour que vous ne soyez pas obligés d’y réfléchir plusieurs (longues) minutes. Si les chiffres sont très présents, un niveau Bac+4 en maths n’est pas nécessaire, et les énigmes peuvent être assez variées, il y aura ainsi des épreuves qui porteront sur la musique, la chimie ou encore tout simplement l’observation, mais à chaque fois, votre logique et les indices dispensés dans le jeu seront suffisants pour en venir à bout – cela dit, je ne promets pas que le processus se fera sans quelques poignées de cheveux en moins sur votre crâne.

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Côté technique, les graphismes sont très bons : c’est une employée de Capcom qui s’est occupée du chara-design et le résultat est très plaisant, chaque personnage ayant un look atypique qui leur correspond bien, et l’animation des sprites est de bonne facture également. Les décors, quant à eux, sont très réalistes, mais même pour un visual novel on pourra parfois regretter le côté trop figé de la chose car les cinématiques se comptent sur les doigts d’une main malgré le côté mouvementé et dynamique de l’histoire. Musicalement, ce n’est pas vraiment le genre de musique qu’on écoute pour le plaisir puisque les sonorités sont souvent assez crispantes (c’est le but, après tout), mais elle remplit sa fonction et colle très bien à l’ambiance et à ce qu’on pourrait attendre de ce genre de jeu, entre moments de tension, phases d’investigations et scènes d’émotion. Mais c’est surtout niveau son que je lève mon chapeau, car ils sont très réalistes : les grincements du bateau, les pas, les portes qui claquent, les coups, l’horloge… tout est très réussi et rend le jeu plus immersif encore.

Maintenant, vous vous en doutez sûrement déjà, mais LA force du jeu, c’est son scénario et je n’ai pas de mots pour le vanter et dire à quel point c’est bien ficelé. Si votre première partie vous laissera sûrement sur votre faim (haha), plus vous avancerez dans le jeu et plus les rebondissements s’enchaîneront et vous vous surprendrez à y repenser lorsque vous parviendrez enfin à lâcher le jeu. C’est somme toute très, très prenant et même si vous aviez l’habitude de deviner qui était le criminel avant Miss Marple dans les romans d’Agatha Christie, ici vous irez de surprise en surprise. Je ne peux rien dire au risque de trop en révéler, mais c’est véritablement une expérience à part, qui vous offrira des dialogues proprement cultes (ceux qui ont fini le jeu sauront de quoi je parle en évoquant une certaine conversation avec June dans l’ascenseur !) et vous laissera toujours plus avide d’en savoir plus jusqu’à ce que le dernier rideau tombe.

Voilà, je termine ici cette longue review – j’espère avoir donné envie à certains d’entre vous de découvrir ce jeu atypique – s’il vous tente, mais que vous n’êtes pas sûrs qu’il soit fait pour vous, voici une démo en ligne qui propose le début du jeu (enfin, une version légèrement différente) et devrait déjà vous donner une  bonne idée de l’ambiance, des énigmes et du niveau d’anglais requis.

Pour résumer : un jeu incontournable, original et intelligent, qui plaira à tous les fans de bons thrillers, à condition de bien comprendre l’anglais !

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De gauche à droite : Lotus, Santa, Seven, June, Junpei, Ace, Snake, Clover et the 9th Man.

PS : il se pourrait que mon pseudo & le titre de ce blog soient une référence à ce jeu – ce n’est donc qu’un juste retour des choses que d’en faire mon premier article !